Chez les hommes occidentaux le cancer de la prostate est le carcinome le plus fréquent avec 59 885 nouveaux cas en 2018 en France métropolitaine pour un âge médian de diagnostic de 69 ans. Ce cancer est un cancer de bon voire de très bon pronostic avec un taux de survie à 5 ans très élevé. Pour autant les traitements de ce cancer présentent tous des effets fonctionnels majeurs dont les troubles sexuels et plus particulièrement la dysfonction érectile (perte ou absence d’érection).
La sexualité dépend à la fois de l’intégralité de nos organes sexuels ainsi que des artères veines nerfs et hormones qui les régissent mais également de notre état psychique à savoir nos pensées nos sentiments et nos émotions. Le cancer ses traitements et même sa surveillance dans les années qui suivent son traitement perturbent l’équilibre de ces différents facteurs et peuvent avoir un impact sur la vie intime et la sexualité du patient mais également sur celles de son-sa partenaire. Ces différents effets sont variables d’un patient à un autre certains sont définitifs d’autres temporaires. Ils vont également dépendre de votre sexualité avant le diagnostic de votre âge et de vos éventuelles comorbidités (vos autres problématiques de santé comme une obésité un diabète une hypertension artérielle ou une dyslipidémie).
Nous allons maintenant détailler les différentes problématiques sexuelles qui peuvent se poser en fonction des traitements curatifs utilisés : prostatectomie totale radiothérapie curiethérapie ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) et hormonothérapie.
Après une prostatectomie radicale encore appelée totale deux cas se présentent. Soit votre chirurgien a pu préserver les bandelettes neuro-vasculaires qui sont accolées à la prostate et sont indispensables à l’érection auquel cas il y a une dysfonction érectile mais qui devrait récupérer dans les deux ans qui suivent l’intervention. Soit le cancer était trop invasif et il n’y a pas eu de conservation nerveuse possible auquel cas la dysfonction érectile est définitive. De manière systématique on observe une disparition des éjaculations. En effet c’est la prostate et les vésicules qui sont à l’origine de 99% du volume du sperme. Les orgasmes sont le plus souvent conservés mais ils peuvent s’accompagner d’une fuite urinaire dans 20 à 40% des cas et /ou de douleur dans 14% des cas. On observe une diminution d’un à trois centimètres de la longueur du pénis.
Après une radiothérapie les troubles de l’érection s’installent progressivement sur une période allant jusqu’à trois ans. Ils peuvent parfois apparaître au cours de l’irradiation. La majorité des hommes auront de moins en moins d’éjaculations et des orgasmes de moins bonne qualité.
Après une curiethérapie l’érection peut se dégrader rapidement mais le plus souvent la dégradation sera lente et progressive sur une durée de deux à trois ans. Le volume de l’éjaculation et la qualité des orgasmes diminuent.
Après des ultrasons focalisés de haute intensité on observe une altération des érections chez 20 à 77% des patients.
Après une hormonothérapie qui consiste en un blocage de la sécrétion de testostérone on observera différents symptômes : bouffées de chaleur fatigue dépression prise de poids avec perte de volume musculaire diminution de la taille du pénis et des testicules diminution de la pilosité et gonflement des seins. Sur le plan sexuel la diminution du désir sexuel est le symptôme le plus important un bon niveau d’excitation physique et psychique devient difficile à atteindre. La qualité des érections est altérée. Ce blocage hormonal même s’il est temporaire peut entrainer une altération définitive de la sexualité.
Quel que soit le ou les choix thérapeutiques qui sont effectués la baisse de libido est fréquente. Elle peut être induite par le traitement mais également faire suite aux modifications des repères sexuels et au sentiment d’échec qui en résulte. Le patient et son-sa partenaire voient leur projet de vie être remis en question par l’annonce du cancer et de ses conséquences. Les réactions émotionnelles qui en découlent culpabilité honte colère déni révolte dépression isolement… s’inscrivent dans le deuil inévitable de son état de santé antérieur.
L’image du cancer est associée à la mort alors que à contrario la sexualité est une pulsion de vie. Le désir symbole de vie est fréquemment effondré à l’annonce de la maladie et de ses conséquences. L’homme s’interroge : « Suis-je encore un homme si je n’ai ni érection ni éjaculat ? » On observe chez de nombreux patients un sentiment d’incapacité personnelle et sexuelle accompagné d’un refus d’intimité avec la-le partenaire un repli sur soi des troubles de l’humeur et un repli sur soi. Il ne faut pas hésiter à demander une aide psychologique (Bon à savoir : la Ligue contre le cancer offre six séances avec un psychologue).
Le tableau qui vient d’être dressé semble bien noir pour autant des solutions existent mais il ne faut pas tarder à les mettre en œuvre. Le corps ne conserve que les fonctions qui sont utilisées. Si le pénis n’a pas d’érection pendant plusieurs mois les corps caverneux qui permettent l’érection s’atrophient et c’est irréductible. Si pour vous la sexualité est toujours d’actualité ne tardez pas à en parler à votre urologue et /ou à un sexologue. Plus tôt débute la prise en charge sexuelle plus il est facile de retrouver des érections satisfaisantes.
La première chose à réaliser est un bilan de l’impact sexuel qui reste variable d’un patient à un autre. Il est nécessaire d’évaluer la nature et l’intensité des troubles sexuels chez le patient mais également de son-sa partenaire les facteurs de risques cardiovasculaires et métaboliques (diabète hypertension cholestérols triglycérides surpoids tabac) les traitements médicamenteux ainsi que la demande du patient et de son couple. Des questionnaires peuvent être proposés.
La prise en charge qui en découle intègre les dysfonctions sexuelles du partenaire les comorbidités et de la prévention.
La prévention consiste à corriger tous les facteurs de risques : adopter une alimentation équilibrée perdre du poids si nécessaire arrêter le tabac réduire la consommation d’alcool et avoir une activité physique (de nombreuses études démontrent l’intérêt de l’activité physique pour améliorer l’activité sexuelle !) ainsi que de corriger les problématiques sexuelles du partenaire quand il y en a un.
Concernant la prise en charge de la dysfonction érectile des études ont montré qu’une prise en charge précoce (les corps caverneux s’atrophient dès le second mois post-opératoire) soit par des prostaglandines en injection intra caverneuse ou en crème au niveau du méat urinaire (Vitaros) soit par IPDE5 (viagra cialis…) améliorait la récupération des érections. On distingue une rééducation passive d’une rééducation active. La rééducation passive consiste en une prise quotidienne d’un IPDE5 (souvent du tadalafil en 5mg) pour optimiser l’oxygénation des corps caverneux. La rééducation active est l’obtention deux à trois fois par semaine d’une érection obtenue soit par l’utilisation des prostaglandines soit par l’utilisation des IPDE5 à la demande. Rééducation passive et rééducation active se font souvent en parallèle.
Dans une prochaine partie nous aborderons la mise en pratique des différentes solutions existantes pour pallier les difficultés que rencontre un homme porteur d’un cancer de la prostate.
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